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Conseiller conjugal et familial : conseil ou counselling ?

Dernière mise à jour : 27 oct. 2023


Pour tout professionnel de l’accompagnement, il est difficile de se positionner avec justesse. Attend-on de lui qu’il fournisse une information théorique ? Qu’il instaure un dialogue ? Qu’il écoute de façon non directive ? Qu’il fasse preuve de neutralité bienveillante ?


Le conseiller conjugal et familial : un conseiller, vraiment ?


L’un des premiers enseignements que j’ai tirés de ma formation de conseillère conjugale et familiale (CCF) est celui-ci : le CCF ne donne pas de conseils, il « tient conseil », au sens du counselling de Carl Rogers, celui qui ne « se réduit jamais à un échange d’informations (transmission par un spécialiste d’un avis éclairé à un client qui lui a exposé clairement et complètement sa demande). »[1]


Il peut arriver au CCF, en encourageant le dialogue, de faire montre d’une certaine directivité : il vient ainsi à l’encontre de la neutralité bienveillante à laquelle on ne saurait renoncer sans glisser vers les pentes de la guidance, voire du formatage du consultant.


La spécificité des interventions en milieu scolaire


Mais qu’en est-il, par exemple, des séances d’éducation affective, relationnelle et sexuelle que le conseiller conjugal et familial peut être amené à animer au sein des établissements scolaires ? Il me paraît important qu’à cet endroit, les trois piliers information, prévention et dialogue soient travaillés, pour une intervention porteuse. Proposer un temps destiné à la parole des élèves semble une solution intéressante pour contrebalancer la directivité que peut impliquer ce type d’intervention. Tout l’art du métier de CCF consiste à trouver l’équilibre entre ces trois piliers.


Quelle écoute pour une juste écoute ?


Concernant le groupe de parole ou l’entretien d’accompagnement, l’apport d’informations m’apparaît moins indispensable. Le conseiller conjugal et familial « suffisamment bon »[2] est à mes yeux celui qui aura trouvé la ressource nécessaire pour s’adapter à son groupe. Carl Rogers prône la non-directivité, Freud (à partir d’une certaine époque de sa carrière) la neutralité bienveillante, le CCF Albert Moyne quant à lui évoque l’écoute active comme un « décapage » des couches successives sous lesquelles chacun pourra retrouver sa vérité[3]. Catherine Sellenet constate « la tentation de proposer aux milieux défavorisés des groupes plus "didactiques" ou pour le dire autrement plus normatifs et plus cadrés. »[4]


Tout comme elle, convaincue que les personnes issues de milieux défavorisés sont dotées de capacités réflexives égales au reste de la population, je considère qu’avant de tenter d’inculquer un quelconque savoir, le groupe de parole ou l’entretien d’accompagnement individuel, parental ou conjugal doit être un espace « hors du champ de la contrainte et du contrôle habituels »[5].


Ma conviction est toutefois que la clé d’ouverture de l’espace de liberté de la parole est la juste écoute du professionnel. Le conseil (qui induit une projection) ou le souhait de transmettre un savoir me semblent pouvoir perturber la qualité de cette écoute.


Reformuler les récits, interroger chacun sur ses ressentis, questionner les divergences entre les représentations (de la personne qui a vécu la situation, des autres présents lors de l’entretien ou du groupe de parole) me paraît en effet intéressant pour éventuellement amener, en regard des réactions environnantes, soit un confortement, soit un changement de perception.



 


[1] Petot Jean-Michel. Conseil psychologique. In : Dictionnaire de psychologie. Paris : Presses universitaires de France, 1991, p. 151.


[2] Par référence au travail de Donald Winnicott sur le concept de « mère suffisamment bonne », apte à apporter une réponse équilibrée aux besoins de son bébé.


[3] Moyne Albert. Vivre et penser le Conseil conjugal et familial. Lyon : Chronique sociale, 2013, p. 32 (Comprendre et apprendre la société).


[4] Sellenet Catherine. Animer des groupes de parole de parents. Silence… On parle ! Paris : L’Harmattan, 2004, p. 20 (Savoir et Formation).


[5] Ibid.

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